Le fabuleux destin de Marion Middenway
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Australienne que « la Mayenne a fini par attraper », Marion Middenway fabrique des archets très recherchés. Son atelier, petite bâtisse de pierres nichée au creux du bocage, tient du livre d’images. Dans ce coin du nord-est mayennais, à Saint-Pierre-sur-Orthe, cette Australienne a retrouvé la sensation, vitale pour elle, des grands espaces qui ont bercé son enfance. C’est dans la région d’Adelaïde, au sud de l’île-continent, que cette fille de musiciens professionnels commence à bricoler ses premiers instruments. Dès l’âge de 5 ans, elle pratique aussi le violoncelle, « un coup de foudre ». À 18 ans, en 1980, elle obtient une bourse pour poursuivre ses études musicales aux États-Unis. Son cœur alors balance : musique ou lutherie ? La jeune femme penche finalement pour la première option, tout en se promettant de revenir un jour au travail manuel. Vingt ans plus tard, alors que sa carrière l’a amenée en France et l’a vue jouer et enregistrer avec les orchestres de musique ancienne les plus prestigieux d’Europe (Stradivaria, Les Arts Florissants…), elle tient sa promesse. Entre deux concerts, la violoncelliste s’initie à la fabrication de ces objets « mystérieux » que sont les archets. Mal connu, le métier d’archetier existe pourtant depuis le 19e siècle, et requiert un savoir-faire très exigeant. « L’archet est une “machine” si simple que chaque détail devient critique et peut être déterminant pour le tout », explique-t-elle dans un français ne trahissant aucun accent. Destinés uniquement aux instruments anciens, contrebasse, violon ou viole de gambe à cordes en boyaux, ses archets s’inspirent de modèles découverts dans des vieux livres ou peintures d’époque. « Un vrai travail d’enquête historique. » Cinq à dix jours lui sont nécessaires pour confectionner un archet, qu’elle vendra entre 1 000 et 1 500 euros. Marion polit à la main le pernambouc, un bois venu du Brésil, ainsi que des essences locales : amourette, robinier ou prunier. Sa carrière de violoncelliste et son passé de prof en conservatoire lui ont permis de constituer un réseau que sa réputation grandissante a largement étendu. Petit à petit, son activité d’archetière fait jeu égal avec celle de concertiste. « Et cela ne risque pas de s’inverser », sourit la quinquagénaire, le regard tourné vers le bel horizon que dévoile son jardin.
Article paru dans le dossier « Dans l’atelier des luthiers » du numéro 69 du magazine Tranzistor.